À une dizaine de kilomètres de Kigali, la future Innovation City regroupera bientôt un complexe universitaire, des bureaux régionaux de grandes entreprises et un incubateur.
Des grues surplombent une fourmilière d’ouvriers qui s’activent entre des bâtiments en construction… La future Innovation City de Kigali n’est encore qu’un vaste chantier. Située à une dizaine de kilomètres de la capitale, cette future Silicon Valley rwandaise devrait ouvrir ses portes dès 2018.
Un futur pôle de technologie 2.0
« Nous allons réunir sur un même site les différentes composantes de l’économie de la connaissance et ainsi accélérer la croissance des nouvelles technologies au Rwanda, s’enthousiasme Steve Mutabazi, le responsable des nouvelles technologies du gouvernement rwandais, qui a imaginé le projet pour le Bureau de développement du Rwanda (RDB). Les géants mondiaux du secteur veulent venir en Afrique développer des produits adaptés aux Africains. Nous créons donc l’environnement idéal pour qu’ils nous choisissent. »
Ce projet est l’un des éléments de la stratégie gouvernementale pour transformer l’économie agraire du pays et la faire sortir de sa trop grande dépendance aux aides internationales. Le Rwanda est certes encore loin de rivaliser avec son voisin kényan, où sont implantés les bureaux régionaux de géants mondiaux tels qu’IBM, Microsoft ou Google, mais Kigali se donne les moyens de ses ambitions. Près de 250 millions d’euros seront injectés dans cette « cité innovante », alors que 3 500 km de fibre optique ont été tirés à travers le pays et que la 4G couvre 60 % du territoire.
Un campus universitaire pour l’apprentissage des étudiants
Au cœur de ce dispositif, un campus rassemblera les futures grosses têtes du continent, avec notamment des antennes de l’université américaine Carnegie Mellon, de l’Institut africain des sciences mathématiques, du Centre international des physiques théoriques… « Ces laboratoires de la connaissance seront entourés d’entreprises innovantes, susceptibles de créer des ponts entre l’apprentissage et l’application des connaissances », anticipe Steve Mutabazi.
Plusieurs laboratoires pharmaceutiques, ainsi que le groupe Ericsson seraient déjà sur les rangs. Le gouvernement compte ainsi dupliquer ce qui a été développé par le passé en Californie, en créant un environnement où cohabitent incubateurs et entreprises, capital humain et ressources financières.
C’est dans cette optique que Kigali vient de lancer le Rwanda Innovation Fund, doté de 100 millions de dollars (88 millions d’euros). « Nous voulons soutenir les entreprises innovantes, viables, prêtes à croître et à se développer à l’international », détaille le spécialiste des nouvelles technologies. Plus de 30 millions de dollars auraient déjà été sécurisés.
Les rêves de Steve Mutabazi ont déjà pris corps à Kigali. En 2011, une antenne de l’université Carnegie Mellon, l’une des meilleures écoles d’ingénieurs au monde, s’est installée aux quatrième et cinquième étages de la Telecom House, dans le quartier des ambassades – des locaux provisoires, en attendant ceux du futur campus.
Plus de 300 étudiants, venus de 27 pays d’Afrique, fréquentent ces locaux. « Nous sommes la seule université de niveau mondial à avoir un campus en Afrique, explique Michel Bézy, directeur adjoint de l’université. Nos diplômés constituent l’élite africaine de demain. »
La future élite africaine
Les geeks de Kigali se sont également donné rendez-vous au FabLab (laboratoire de fabrication numérique), créé il y a moins d’un an selon le modèle développé par le célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux États-Unis.
Des prototypes de drones en carton traînent dans un coin du local. « Aucun d’entre eux ne peut voler plus de quelques mètres », sourit Lambert. Assis derrière un bureau encombré de composants électroniques et de diodes qui clignotent, l’ingénieur reste confiant : « Je construis un appareil pour épandre des pesticides dans les zones difficiles d’accès du pays », explique-t-il.
Au même étage se trouve le KLab, le premier incubateur de start-up du pays. En échange d’une modeste contribution, les entrepreneurs en herbe profitent d’une connexion internet très haut débit, peuvent échanger avec des experts du monde entier et même rencontrer de potentiels investisseurs. Depuis 2012, des centaines de jeunes ont foulé la moquette aux couleurs criardes de l’entrée.
Certains observateurs y croient peu
Bien que quelques pépites soient sorties du lot, comme TorQue et AC Group, les résultats sont cependant encore rarement au rendez-vous. Beaucoup d’observateurs estiment que l’endroit ressemble aujourd’hui davantage à une vitrine à la gloire du gouvernement qu’à une véritable pépinière de talents.
« Il ne faut pas se mentir, l’écosystème propre à faire émerger ce qui pourrait ressembler à une Silicon Valley n’existe pas », tranche Michel Bézy. Et le directeur adjoint de l’université d’énumérer les points noirs, difficilement surmontables à moyen terme : niveau d’éducation insuffisant, industrie balbutiante, faiblesse des financements, omniprésence du gouvernement, carence de chercheurs… Mais le Rwanda est bien décidé à essayer de mettre toutes les chances de son côté.